mercredi 27 novembre 2024

W comme Wanderlust ou envie de découvrir le monde

Cette série d'articles du mois de novembre vous présente un personnage découvert lors de mes recherches universitaires, Jean Aimé MARNAS.

J'ai souhaité dédier un article à un aspect de sa vie qui, je pense, a contribué à sa réussite, et a façonné l'homme qu'il est devenu. Il s'agit des voyages.

J'ai donc découvert ce mot allemand, Wanderlust, qui signifie, selon Wikipedia : "l'envie (Lust) de flâner, de randonner (wandern), soit l'envie de voyager, de découvrir le monde." J'ai trouvé que ce mot convenait parfaitement aux aspects de la vie de Jean Aimé que j'ai découverts au cours de mes recherches.

Je vais donc vous dévoiler quels pays Jean Aimé a visités, et pour quelles raisons.

La Suisse et Mulhouse

Usine chimique à Uetikon am See, canton de Zurick, 1850


La première mention de voyage que j'ai découverte dans les archives, concerne un écrit de Jean Aimé dans son dossier de renseignements demandés par la Préfecture qui figure dans son dossier individuel de légionnaire aux Archives départementales du Rhône. Voici ce qu'il en dit.

"En 1848, à cette époque de trouble, mon patron, M. GUINON, dont je devins plus tard associé, mais qui a toujours été pour moi un père et un ami, m'envoya travailler en Suisse, autant pour me récompenser de quelques petits travaux que pour me soustraire à la politique dissolvante des Clubs"

Sa fille, Mélanie MARNAS, citée dans le n° 23 de Rive Gauche en décembre 1969, précise : "Dès qu'il fut en possession de tous les procédés de la maison et capable de les appliquer correctement, M. Guinon l'envoya à Bâle et à Mulhouse, pour s'y mettre au courant des procédés des Suisses.

Je me suis interrogée sur ces Clubs dont parle Jean Aimé. Il s'agit de clubs politiques, créés suite à la révolution de février 1848 et à la mise en place de la Deuxième République le 24 février 1848 qui met fin au règne du roi Louis-Philippe.

J'ai trouvé des réponses très pertinentes dans un article en ligne sur le portail Persée, article de la Revue d'histoire moderne et contemporaine Les débuts de la Révolution de 1848 à Lyon de Lévy-Schneider en 1911. Ces clubs lyonnais sont des regroupements d'ouvriers et de la classe populaire apparus après la Révolution de 1848. Cela me laisse penser que M. GUINON souhaite éloigner son apprenti teinturier des troubles politiques et de la classe ouvrière lyonnaise, et certainement de la politique en général. Et que le patron a une entière confiance en son apprenti qui connaît tous les secrets de fabrication de l'usine.

Depuis la moitié du 16e siècle, Bâle est réputée pour sa filière industrielle de la soie et devient un centre international de l'industrie du ruban de soie. Au 19e siècle, elle devient la première ville industrielle de Suisse. Quant à Mulhouse, il y a certainement rencontré Jean DOLFUS, patron de DMC.

La découverte de Paris

Mélanie MARNAS nous apprend qu'en 1849, il est délégué par la Chambre de commerce de Lyon à l'Exposition de Paris. Elle raconte que son père a trouvé très pittoresque le voyage en diligence jusqu'à la capitale. Il s'agit de l'Exposition des produits de l'industrie française, organisée de 1798 à 1849 à Paris "afin d'offrir un panorama des productions des diverses branches de l'industrie dans un but d'émulation." Cette Exposition est à l'origine de la première Exposition universelle de 1851. L'édition de 1849 se tient du 1er juin au 30 juillet sur les Champs-Elysées et accueille 4 532 exposants.

Exposition de l'industrie en 1849. Vue à vol d'oiseau de l'ensemble des bâtiments, J. Quartley graveur, JJ Champin dessinateur, musée Carnavalet, Histoire de Paris, QB 726

En plus d'obtenir sa première récompense (voir l'article V), il a noué des contacts professionnels très intéressants. Ainsi, en 1850, il voyage en Alsace, en Prusse rhénane, dans le Nord de la France, en Angleterre et en Ecosse pour y étudier les moyens divers de production de ces contrées.

Il participe à nouveau à l'Exposition universelle de 1855 de Paris où il va obtenir une médaille de 1ère classe.

En 1861, il découvre la Cour impériale de Paris lors d'un procès dont je vous ai parlé précédemment (T).

La découverte de Londres

En 1851, il est à nouveau délégué par la Chambre de commerce de Lyon à la première Exposition universelle qui a lieu à Londres, à Hyde Park, dans le Crystal Palace. Les délégués étaient dix, dont deux teinturiers. Le séjour à Londres était de trois semaines, pour les frais desquelles il leur était alloué six cent francs.

The front entrance of the Crystal Palace, Hyde Park, London that housed the Great Exhibition of 1851, Wikipedia

Jean Aimé MARNAS retourne en Angleterre en 1857, après l'invention de la couleur Pourpre française.  Il entreprend une tournée en Angleterre, racontée par sa fille Mélanie.  

"La maison GUINON, MARNAS et BONNET comptait des clients importants en Angleterre et partout où il présenta sa Pourpre française, il reçut le même accueil mêlé de défiance et d'un peu d'ironie. S'il y avait longtemps qu'on annonçait le violet solide, personne ne l'avait jamais vu. Les échantillons de M. Marnas étaient splendides, mais il fallait voir comment ils se comporteraient à la lumière et en présence d'un acide. Mon père tirait de son sac un petit flacon de vinaigre, il en versait quelques gouttes sur l'écheveau de soie qui ne bronchait pas. Le fabricant plaçait l'écheveau sous un rayon de soleil : l'écheveau n'y perdait ni son ton, ni son éclat. On renouvelait l'expérience sur des violets de tons différents : même résistance. Le patron appelait ses employés et tous ces bons Anglais n'en croyaient pas leurs yeux."

Il participe aussi à l'Exposition universelle de Londres en 1862, participation pour laquelle la maison GUINON, MARNAS et BONNET sera médaillée.

Album de l'Exposition universelle de Londres en 1862, L. Brisse, 1864, Gallica


Et aussi Vienne

La société reçoit un prix à l'Exposition universelle de Vienne en 1873.

Weltausstellung 1873 : Kaiserpavillon (Stereoskopie), Wiener Photographen Association, 1873, Wien museum, 173700/1

Et pourtant

Mélanie MARNAS évoque dans son récit, les désirs de voyage de son père lorsqu'il était encore étudiant à l'école la Martinière. 

En effet, lorsque M. GUINON vint présenter son offre d'emploi aux parents de Jean Aimé, celui-ci leur avoua qu'il avait d'autres projets. Il avait d'abord pensé être marin, puis finalement colon. Et ce sont les Etats-Unis qui l'attiraient. Il voulait découvrir Chicago. 

Cependant, la nécessité d'argent que ses parents n'avaient pas, et le fait d'être l'aîné d'une grande famille qui avait besoin de lui pour caser les plus jeunes, le font revenir sur ses rêves de voyage.

Finalement, grâce à son travail, il a pu découvrir l'Europe. Par contre, je n'ai pas trouvé trace d'un éventuel voyage aux Etats-Unis.


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