vendredi 29 novembre 2024

Z comme Zénith de la carrière de Jean Aimé

Voici le dernier article du Challenge AZ, celui de la lettre Z.

J'ai souhaité finir cette histoire de famille par un résumé de la carrière politique et  des honneurs reçus par le personnage principal de cette étude, Jean Aimé MARNAS.

Je vais donner la parole à sa fille Mélanie MARNAS, pour nous présenter son père.

Portrait de Jean Aimé MARNAS, Rive Gauche, décembre 1969, AM Lyon 

Voici le portrait que Mélanie MARNAS a dressé de son père. "Il était à cinquante ans un homme d'une belle prestance. Après avoir été extrêmement mince, il avait grossi de bonne heure et il le portait bien, étant grand et solidement bâti. Ses cheveux commençaient à grisonner, mais ils étaient restés abondants. Il les portait toujours coupés à la nuque, bien que l'usage fut alors de les porter en brosse. Il portait la moustache et une barbe arrondie autour du menton. Sa moustache et sa barbe frisaient naturellement. Il avait les joues lisses, au point de ne pas avoir eu pendant longtemps besoin de les raser. Son visage était plein et son teint beaucoup plus clair à cinquante ans qu'il ne l'avait été dans sa jeunesse. Son expression aussi était plus épanouie, sa voix était ferme et bien timbrée."

Un maire engagé pour sa commune

En 1861, alors qu'il vient d'acheter le château de Thurins, il est nommé maire de la commune par le Préfet. Il démissionne en 1870.

En 1873, sur l'initiative du Préfet, il est nommé à la commission municipale de Lyon, qui dépendait de la Préfecture et non pas de la Mairie. Elle avait pour mission de remettre en ordre les finances de la ville.

Au service de l'industrie Lyonnaise

En 1874, il remplace le comte de Ruolz à la commission qui administrait l'Ecole la Martinière, où il a étudié plus jeune.

Il faisait partie de nombreuses sociétés : société des amis des sciences, société d'agriculture, sciences et arts utiles, société de géographie, société de chimie, société linéenne, société des amis de l'enfance, etc...

Mélanie affirme que son père "n'était d'aucun parti. Tout gouvernement lui paraissait bon s'il assurait la paix aux braves gens et s'il tenait en ordre les affaires du pays ...

Les honneurs d'une vie

En 1878, il est décoré de la Légion d'honneur ... Cette récompense doit avoir été demandée par le futur chevalier. Lui n'avait jamais voulu en entendre parler. Il ne sut que bien plus tard que les démarches avaient été faites pour lui par un chimiste de Paris. Cependant, il ne fut pas décoré comme chimiste, mais pour services rendus à l'industrie et sa participation à la précédente exposition de Paris.

M. Guinon fut son parrain. La réception n'eut rien de solennel. M. Guinon vint un soir dîner à la maison. Au salon, après le café, il se leva et lut à mon père un petit discours, dont, malheureusement il ne lui donna pas copie. Puis il épingla la croix.

Les honneurs commençaient à venir à celui qui les avait si peu cherchés.

Il fut nommé Président de la Société d'Agriculture, sciences et Arts Utiles.

Puis, en 1882, membre de la Chambre de commerce de Lyon ... Il y présenta un rapport très important sur le pont Morand que la ville s'apprêtait à reconstruire, un autre sur l'intérêt que présentaient pour l'industrie lyonnaise certains produits tinstoraux venus du Tonkin. Il s'occupa surtout du laboratoire des Etudes de la Soie, dont, à peine entré à la Chambre de commerce, il avait été nommé Président ...

En 1885, Jean Marnas fut porté à la députation. Il n'avait aucun goût pour la politique, mais le parti conservateur manquait d'hommes. Ce parti l'avait inscrit sur sa liste sans le consulter et l'y maintint malgré lui. Cette liste ne passa pas, mais elle avait rallié plus de suffrages qu'on ne l'avait espéré. Jean MARNAS avait obtenu pour son compte 14 225 voix.

Il a travaillé 40 ans et perfectionné le métier dans lequel il était entré, au point qu'on a pu écrire que le magnifique développement de l'industrie de la teinture de la soie était dû pour une bonne part à ses travaux et à ses découvertes. Après avoir vaillamment lutté, il a laissé sur la place de Lyon une réputation sans tâche et un nom honoré.

Il avait peu reçu, il a beaucoup donné. Il a été un homme remarquable par son intelligence et son caractère.

Un héritage qui perdure

Sans avoir amassé une grande fortune, car il a recueilli au cours de sa carrière beaucoup plus de considération que d'argent, il nous a laissé dans une situation à tous points de vue bien supérieure à celle dans laquelle il était né. Beaucoup de ce dont nous jouissons vient encore de lui. C'est pourquoi il m'a paru juste que son souvenir ne s'éteigne pas parmi ses descendants et, si j'ai écrit ses pages, c'est dans l'espoir que son nom sera quelquefois, par eux, honoré et béni ..."

J'ai pris beaucoup de plaisir à écrire l'histoire de cette famille très attachante. J'ai découvert tout un pan de l'histoire de Lyon et de son industrie au XIXe siècle. Les personnages sont facinants. J'espère avoir répondu au souhait de Mélanie MARNAS de raviver le souvenir de son père Jean Aimé MARNAS, grand novateur de l'industrie de la teinture au XIXe siècle.



Y comme XY les fils de Jean Aimé

Y comme XY, pour évoquer cette fois les chromosomes masculins, symbole des fils de Jean Aimé MARNAS.

Pour suivre la présentation de la vie familiale de Jean Aimé MARNAS, je vais maintenant mettre en lumière ses garçons.


Des 11 enfants qu'il a eu avec son épouse Marie REVELIN, 7 sont des garçons. Je vais vous présenter ceux qui ont atteint l'âge adulte.

Francisque MARNAS (1859 - 1932), l'évêque de Clermont

Jean François Etienne est le fils aîné du couple, après le décès, en 1856, à l'âge de 10 mois, de Jean Aimé Marie.

Nous avons évoqué son nom dans l'article consacré aux usines MARNAS.

Francisque va mener en religion une carrière tout aussi intéressante que celle de son père dans les affaires. Il a d'ailleurs sa page Wikipedia.

J'ai découvert beaucoup d'informations sur cette carrière dans la presse.

Mémorial de la Loire et la Haute-Loire, 23/03/1921, page 2

Il est noté dans l'article qu'il a fait de brillantes études à l'institution des Chartreux, toujours présente à Lyon, qui va fêté son bicentenaire en 2025. 

Nous découvrons dans sa fiche matricule de la classe 1879 qu'il est étudiant, avec un degré d'instruction 5, le plus élevé (bachelier ou licencié en droit). Il est engagé conditionnel pour un an, maréchal des logis, et obtient la mention très bien.

En 1885, il continue des études spéciales pour être ecclésiastique. Il est dégagé de ses obligations militaires en 1887, étant entré dans les ordres majeurs. C'est l'époque à laquelle son père, Jean Aimé MARNAS, se retire de la gérance de ses affaires. Son prénom d'usage est Francisque.

D'après le même article, il suit ses études de théologie à Rome, d'où il revient docteur en théologie et licencié en droit canon. Il est ordonné prêtre en décembre 1888 par l'Archevêque de Lyon.

Lui aussi, comme son père Jean Aimé et ses soeurs Mélanie et Marie, a des envies de voyages. Il part en mission apostolique au Japon. Il écrit, en 1896, un livre en 2 volumes, 1200 pages, sur La religion de Jésus ressucitée au Japon

Dans un article publié dans le Roussilon le 15/04/1897, le journaliste nous révèle que Francisque "a fait trois fois en l'espace de six ans le voyage de France au Japon, où l'avaient appelé ses affaires, d'importants établissements industriels à surveiller. Il y était allé pour assoir une forturne déjà faite. Dieu lui avait révélé, à côté des manufactures, des églises et des chrétientés naissantes, et subitement, obéissant à un appel d'en haut, il avait délaissé les premières pour les secondes, l'or pour les âmes."

Il aurait donc commencé ses voyages au Japon lorsqu'il travaillait pour son père, ce qui lui aurait donné sa vocation religieuse. C'est une hypothès, bien sûr.

Je lis aussi qu'il a pu visiter les Etats-Unis, voyage que souhaitait faire son père dans sa jeunesse.

De retour du Japon, en 1897, il fonde la paroisse Notre Dame de Bellecombe dans son quartier de naissance, les Brotteaux, quartier dont il connaît bien les habitants.

En 1908, au décès de ses parents, il est vicaire général du diocèse de Lyon. Puis il est consacré évêque le 30 avril 1919 dans la cathédrale Saint Jean par le cardinal Maurin, archevêque de Lyon. Il devient le 99e évêque de Clermont le 19 mars 1921.

Monseigneur MARNAS, Otto et Pirou, 1932, archives de l'Institut catholique de Paris, 1_I_1.012

Il décède dans la nuit du 12 au 13 octobre 1932, après avoir passé quelques jours auprès de sa famille à Thurins. J'ai trouvé dans la Semaine religieuse de Clermont du 22/10/1932, le récit très détaillé de son décès par Mgr SEMBEL, dans une lettre adressée au clergé et aux fidèles du diocèse. 

Son monument commémoratif se trouve dans la cathédrale, dans la chapelle du tombeau des évêques.

Charles MARNAS (1861 - 1930), l'héritier des affaires

Charles Jean Antoine est le second fils de Jean Aimé. Sa fiche matricule nous apprend plusieurs informations à son sujet. Il est engagé volontaire pour un an en 1880 et sera nommé lieutenant de réserve.

Cette fiche nous renseigne aussi sur ses voyages. Lui aussi aime découvrir le monde. Il effectue des déplacements en Algérie et en Italie en 1887. Il se fixe un temps à New-York, en 1903, et se rend en 1904 à Côme pour la société Gillet.

Il épouse Anna RICHARD en 1887 à Lyon. Son contrat de mariage m'apprend que Jean Aimé MARNAS, son père, lui réserve une place dans la société CONNET, RAMEL, SAVIGNY, GIRAUD et Cie créée en 1885. Charles, par cet acte, est institué héritier des affaires de son père.  D'ailleurs, son nom est ajouté à la raison sociale de la société.

La société est absorbée par la suite par la société Gillet. Charles a probablement travaillé pour eux, puisque ce nom est indiqué sur sa fiche matricule à l'occasion de ses voyages à Côme en italie.

Il décède en 1930 à son domicile rue Garibaldi à Lyon, laissant une fille unique, Zoé.

Benoit MARNAS (1864 - 1914), le héros de la Grande Guerre

Benoit Antoine Marie est le militaire de la famille. Il s'engage volontairement en 1885 pour 5 ans à l'école spéciale de Saint-Cyr. Il progresse dans la hiérarchie militaire pour devenir capitaine en 1899.

Il épouse à Gap en 1889 Hélène PEYROT avec qui il aura 4 enfants.

Il est nommé Chevalier de la Légion d'honneur, au même grade que son père, en juillet 1911.

Il décède le 14 août 1914 à Goincourt, tué à l'ennemi.

Jean MARNAS (1873 - 1964), le parisien

J'ai retrouvé la fiche matricule de Jean Charles Marie Nicolas dans les registres du 1er bureau de Paris. 

Comme ses frères et soeurs, il voyage et on trouve sur sa fiche une résidence en Egypte en 1904.

Il participe à la Guerre et est nommé maréchal des logis en 1918. 

Il se retire à Paris en 1919.

Il se marie tard, en 1925 à Lyon, avec Marie ROCHER. Il a alors 52 ans, et est directeur d'usine. Son frère Charles est présent au mariage. Je ne lui ai pas trouvé d'enfants.

Il décède à Lyon en 1964.

Les fils de Jean Aimé MARNAS ont suivi des trajectoires variées, mais tous ont été guidés par un esprit d'ambition et de service. Qu'ils aient oeuvré dans les affaires, la religion ou les armes, chacun d'eux a laissé une empreinte forte, à son échelle. Ce dynamisme, cette curiosité pour le monde, sont des traits que l'on retrouve dans la personnalité de leur père.

Dans le prochain et dernier article, nous découvrirons d'ailleurs les distinctions que Jean Aimé a obtenues au cours de sa vie, et qui, à bien des égards, symbolisent ce qu'il a transmis à ses enfants.


jeudi 28 novembre 2024

X comme XX, les filles de Jean Aimé

X comme XX, pour évoquer les chromosomes féminins, symbole des filles de Jean Aimé MARNAS.

Dans cet article, je continue d'explorer l'histoire de la famille MARNAS, et plus particulièrement celle de ses filles. Entre voyages, écrits religieux et vie de famille, chacune d'elles a laissé une empreinte unique dans la vie familiale.




En effet, avec son épouse Marie REVELIN, il aura 11 enfants, dont 4 filles. 

Leur vie me laisse penser que les filles de Jean Aimé étaient très instruites et curieuses de découvrir le monde. C'est pour moi l'un des grands changements entre cette génération et les précédentes.

Mélanie MARNAS (1860 - 1950), l'écrivaine

Mélanie Marie Antoinette est la fille aînée de la famille, après le décès de sa grande soeur Charlotte à 11 mois.

Je vous ai déjà parlé de Mélanie, puisque c'était l'écrivaine de la famille. Elle a écrit l'histoire de son père Jean Aimé pour l'un de ses neveux. Je vous ai rapporté au cours de cette série d'articles plusieurs extraits de ce portrait.

La vie de Miriam

Fervente catholique, elle est aussi connue pour avoir écrit un livre sur la vie de Miriam - essai pour recadrer dans leur cadre historique , les seize premières années de la Sainte Vierge (1913). Ce livre est toujours en vente en ligne. Je l'ai même trouvé traduit en anglais.

Je suppose qu'elle lisait plusieurs langues, car elle dit s'être appuyée sur des documents anciens arabes et juifs.



J'ai d'ailleurs découvert une critique complète de son livre publiée sur Gallica : Etudes, publiées par des Pères de la Compagnie de Jésus en 1914. 

Le livre compte plus de 600 pages. Pour le rédiger, Mélanie a parcouru la Galilée, la Judée, l'Egypte. Elle a compulsé la Mishna et le Talmud. Voici le récit de cette expérience, page 700.

" Jamais ces livres, les plus arides - on a dit les plus repoussants - qui aient jamais été écrits, n'avaient charmé sans doute à ce point un lecteur. A mesure que je les parcourais, je voyais le portrait de la Sainte Vierge se dessiner devant mon imagination en traits à la fois nouveaux et saisissants."

J'ai lu une autre critique, moins positive que la précédente. Cependant, l'auteur souligne le grand travail et la patience méritoire de Mlle MARNAS, telle qu'on l'appelait à l'époque. 

J'ai noté aussi que le livre plaisait, puisqu'en 1930, il était réédité pour la 3e fois. Les critiques soulignent régulièrement la piété et la foi de l'écrivaine.

Notre bon Thurins

Elle est aussi très connue à Thurins pour un livre publié à Lyon en 1943, Notre bon Thurins, essai pour retrouver et faire revivre les quelques traces restées visibles de l'histoire de Thurins à travers les âges.

"Je dédie ce livre à mes compatriotes et spécialement à ceux dont les noms de famille apparaissent au XVIe siècle dans le registre paroissial, ce qui prouve que, dès ces temps reculés, leurs ancêtres, comme les miens, habitaient déjà nos montagnes."

Elle retrace l'histoire du village par celle de ses curés, et évoque les anecdotes laissées dans les registres du village. Elle fait de la généalogie telle que nous pourrions la faire aujourd'hui, et même si j'ai trouvé quelques différences avec certaines de ces dates, elle évoque dans ce livre des informations qu'elle a certainement lues dans les papiers de sa famille et qui sont aujourd'hui inaccessibles, ce qui est très intéressant.

Elle est restée très attachée au village de ses grands-parents, suffisamment pour s'y faire inhumer. 

Monument funéraire de la famille MARNAS à Thurins, Geneanet

Marguerite MARNAS (1863 - 1945), la seule mariée

Marguerite est la seule fille du couple qui va se marier. Elle épouse, en 1884 à Lyon, le docteur Charles REBOUL. L'une de ses filles, Hélène, épousera Claude CONFAVREUX. Ce sont ses descendants qui habitent le château de Thurins aujourd'hui.

Monument funéraire de la famille MARNAS à Thurins, Geneanet


Marie MARNAS (1877 - 1955), la missionnaire

Marie Antoinette est le dernier enfant du couple. J'ai trouvé très peu d'information à son sujet, ni mariage, ni enfants. Je n'ai pas demandé son acte de décès, qui n'était pas nécessaire pour mon mémoire.

Mais j'ai trouvé quelques pistes que je partage avec vous.

Un des fils de Jean Aimé est devenu lui aussi très célèbre. Lors de son sacre en 1919 (à découvrir dans le prochain article), ses soeurs sont présentes et citées : Mélanie MARNAS, Mme REBOUL née MARNAS et leur soeur, assistante de la Supérieure des Religieuses missionaires de l'Océanie. Il s'agit de Marie MARNAS.n

Les missionnaires de la société de Marie sont installées à Sainte-Foy-les-Lyon, là où est décédée Marie en 1955. C'est une autre piste. Elles sont Maristes et portent le nom de Marie. Elles sont placées sous l'autorité et la juridiction des Vicaires Apostoliques d'Océanie.

J'ai trouvé plusieurs soeurs Marie de la Merci qui pourraient correspondre, mais sans certitude.

La foi de Mélanie, la fille aînée de la famille, a certainement influencé ses autres soeurs, et notamment la vocation religieuse de Marie.

Les filles de Jean Aimé

En retraçant la vie de Mélanie, Marguerite et Marie, je découvre non seulement des parcours riches et variés, mais aussi des valeurs communes, notamment un attachement profond à la foi et à leurs racines.

Dans le prochain article, nous nous tournerons vers un autre membre de la famille, dont la renommée dépasse largement les frontières de Lyon et de Thurins.