vendredi 8 novembre 2024

H comme Hameau de la Mathivière

Comme nous l'avons vu, il existe de nombreux hameaux sur la commune de Thurins.

Certains ont donné leur nom à des familles, ou peut-être est-ce l'inverse !

Nous avons vu déjà le Rochet, le Julin, la Durantière. Nous verrons maintenant un hameau plus spécifiquement, le hameau de la Mathivière.

La Mathivière - document personnel


Cet article me permet de vous présenter les parents de Jean MARNAS, notre Sosa 1.

Jean Baptiste MARNAS et Claudine RATTON

Comme vous l'avez certainement deviné en lisant l'article de la lettre G sur ses grands-parents, les parents de Jean sont Jean Baptiste MARNAS et Claudine RATTON.
Ils se marient le 4 janvier 1786 à Thurins. Jean Baptiste est maître maçon et charpentier au Julin, comme son frère Jean. Son épouse, Claudine RATTON, vit avec son père Floris et sa mère Jeanne CLARON à la Mathivière. Elle est leur fille aînée.

Les deux hameaux se font face, séparés par le Garon. Le Julin est à l'adret, au soleil, et la Mathivière à l'ubac, à l'ombre.

Comme l'indique Paul GUIOT (1) dans son livre, curieusement, le contraste entre adret et ubac est inversé. Le versant le plus favorisé est celui de l'ubac, à l'ombre, qui le protège de l'assèchement du soleil l'été, du dégel et regel l'hiver, et surtout des méfaits du vent du Midi, le plus violent en toute saison.

Extrait du plan cadastral napoléonien de Thurins, section F du Julin - AD69 - 3P 2047

Les époux sont majeurs. Lui a 33 ans, elle 30 ans. L'époux, soldat provincial, est autorisé à se marier par l'intendant de Dijon. J'ai cherché sans succès la trace de Jean Baptiste dans les archives des troupes provinciales du Lyonnais. L'épouse est autorisée par son père présent. Les époux ne savent pas signer.

Extrait de la liste des soldats provinciaux de la subdélégation de Saint-Symphorien du 27 février 1787 - AD69 - 1C84


J'ai trouvé, à la date du 10 janvier 1786, dans les registres de Saint-Symphorien-sur-Coise, le contrôle du contrat de mariage reçu par Me DUCREUX le 4 janvier 1786. Il est précisé que Jean Baptiste est journalier, qu'il déclare 30 livres et que la constitution de l'épouse est de 260 livres.

Le contrat de mariage me donne plus de précisions sur la dot de l'épouse constituée par son père, Floris RATTON, qualifié lui aussi de journalier. Il constitue en dot à sa fille 4 bichets* de seigle, 2 asnées de vin et une brebis et son suivant. Le trousseau de l'épouse est estimé à 200 livres, ce qui est bien plus que la moyenne. On peut donc estimer la dot en nature à environ 60 livres.

Les valeurs apportées à ce mariage me semblent peu importantes pour l'époque. Elles sont cohérentes avec le métier de journalier, mais ne reflètent pas le niveau social d'un maître maçon et charpentier. Jean Baptiste étant soldat, il n'a peut-être pas exercé longtemps son métier.

J'ai trouvé 6 enfants nés entre 1787 et 1799. Jean, la souche de notre arbre, est le dernier né.

Etiennette, la première, vient au monde au Julin en 1787, mais décède le lendemain. Jeanne, la seconde, naît un an plus tard, toujours au Julin. Puis viennent Claudine, née en 1790 à la Mathivière, et Jean Antoine en 1791, Anne Marie en 1797 puis Jean en 1799, tous nés à la Mativière.

L'installation à la Mathivière

Le couple a donc quitté le Julin après la naissance de Jeanne pour s'installer en face, à la Mathivière.
J'ai trouvé dans les archives la raison de ce déménagement.

En effet, Floris RATTON, le père de Claudine, fait donation à sa fille de tous ses biens devant Me DUCREUX le 13 avril 1788. 
Cet acte est très intéressant, car il nous donne les informations pour comprendre les conditions de la vie en communauté de plusieurs générations. En effet, le père Floris vit avec sa femme et ses enfants Claudine, Jean Baptiste, Benoite et Benoit Antoine. Sa fille Claudine s'installe avec son mari Jean Baptiste et sa fille Jeanne. Il nous donne aussi un aperçu des ressources de cette communauté, que je qualifierais de paysans aisés.

Voici un résumé des contreparties à cette donation :
- Claudine doit nourrir, loger et entretenir ses parents.
- Elle doit payer leurs dettes, et notamment les donations prévues à ses frères et sœurs, à savoir, pour chacun, la somme de 700 livres, un habit en drap de Mornant, 4 bichets de seigne, 3 asnées de vin rouge, aux filles un garde-robe à deux portes en bois noyer fermant à clé, et aux garçons un coffre du même bois aussi fermant à clé.
- Elle doit payer l'apprentissage de ses frères Jean et Benoit à hauteur de 300 livres chacun.

Le père Floris se réserve cependant la propriété et les revenus du moulin à moudre le blé et de la terre situés au territoire des Flaces, paroisse de Thurins.
Il se réserve aussi la jouissance de la cuisine garnie de meubles et d'ustensiles, du grenier, de la moitié de la fenière*, de prendre l'hortologe* au jardin, et du bois au bucher pour son usage, l'utilisation des bestiaux et des outils pour l'agriculture.

Prévoyant, il donne le détail de la pension viagère annuelle à verser à sa femme Jeanne CLARON, au cas où elle lui survivrai: la jouissance de la chambre neuve où Claudine construira une cheminée, garnie de meubles et ustensiles, et le versement annuel de 6 bichets de seigle, 4 bichets de froment, 2 asnées de vin rouge, 1 benne de pommes, 6 bichets de truffes*, 4 de châtaignes, 20 livres d'huile de noix, 12 livres de fromage sec et salé, 1/2 vache et 1/2 brebis, 12 livres de beurre, 15 livres de lard sec et salé, 12 douzaines d'oeufs de poule, la somme de 48 livres, une robe et une chemise de drap de pays (tous les 3 ans), du bois du bucher, de l'hortolage au jardin. Les biens immobiliers sont évalués à 5 000 livres.

La lecture de cet acte réserve plusieurs informations surprenantes. 
En effet, le niveau social de cette famille est sans commune mesure avec celui que l'on pouvait imaginer dans le contrat de mariage des époux MARNAS et RATTON, établi 2 ans avant.
Claudine est choisie comme héritière, alors qu'elle a deux frères cadets. Pourquoi ce choix ? On peut penser qu'elle le savait lorsqu'elle s'est mariée, ce qui expliquerait sa faible dot.
Enfin, je trouve intéressante la liste des besoins de la mère en cas de veuvage. 

La maison de cette famille existe toujours. Je l'ai repérée grâce au cadastre napoléonien. 

Propriété en vert, de Jean Antoine MARNAS en 1824, plan cadastral napoléonien de Thurins,
section F du Julin - AD69 - 3P 2047

Les décès de 1810


En 1810, tout bascule pour la famille. Claudine décède le 12 mai, âgée de 55 ans.
Puis c'est le tour de deux de ses deux filles, Jeanne le 4 décembre et Claudine le 9 décembre. Est-ce une épidémie ? Je n'ai pas trouvé plus de décès en 1810 que les années précédentes ou suivantes.

Claudine a rédigé un testament. La table des successions et absences de Vaugneray m'indique la date, le 10 mai, et le nom du notaire, Me FILLETON. 
La valeur des biens est estimée à 2 960 francs (280 francs pour le mobilier et 2 680 francs pour les immeubles).
Elle est alitée dans sa cuisine 2 jours avant son décès. Elle lègue la jouissance de la moitié de ses biens, et le paiement de la moitié des charges à son mari Jean Baptiste. Elle lègue à son fils Jean Antoine le 1/4 de ses biens. Le surplus est partagé entre ses 5 enfants.
Elle veut que Jacques MARNAS, son beau-frère résidant et travaillant à son service depuis plusieurs années, soit logé, nourri et entretenu dans la maison pendant sa vie, "faisant défense à ses enfants de l'expulser mais bien de le souffrir à leur compagnie".
Jean Antoine déclare la succession de sa mère le 10 novembre au bureau de Vaugneray. Nous avons la liste des biens laissés par Claudine: son trousseau, un bâtiment, un pré, des vignes, des terres, une châtaigneraie, des bois.

Jean se marie le premier en 1827. Puis c'est le tour de sa sœur Anne Marie en 1832. Enfin, Jean Antoine l'héritier de Claudine, se marie en 1834 à l'âge de 42 ans.
Jean Baptiste, le père, décède à Thurins en 1837, à 85 ans.

Floris RATTON, puis sa fille Claudine, étaient des propriétaires terriens plutôt aisés, à la Mathivière.
Il est amusant de noter que les MARNAS, Jean, puis Jean Baptiste son fils, ont emménagé chez leurs beaux-parents. Ils étaient "gendre de".

Nous découvrirons bientôt la vie haute en couleur de Claudine RATTON, femme de caractère selon les traces qu'elle a laissées.


(1) GUIOT P. (1949), Thurins démographie d'une commune rurale de l'Ouest Lyonnais, cahier n°10, Paris: A. Colin , p. 21

* Bichet mesure de Lyon : unité de mesure du grain, équivalent à 34,277 litres de céréales, soit environ 25 kilos de seigle.
* Asnée : unité de mesure du vin, équivalent à 93,22 litres.
* Fenière : bâtiment rural où l'on conserve le foin, fenil.
* Hortolage : légumes en général
* Truffes : pommes de terre


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